" Les mots sont des coques vides pour qui ne partage pas le souffle qui les forgea"
Contes des Sages Taoïstes - L'antre du dragon

 
     
           
 

 

Les actions de formation se sont développées autour du travail sur le verbe, principalement au cours de stages AFDAS (Fonds d'Assurances Formation) pour comédiens, danseurs, chanteurs, metteurs en scène professionnels mais aussi au cours d'ateliers pour élèves comédiens, amateurs, enseignants avec en fin de parcours, une présentation du chantier de travail.

     
           
 

Les stages ou les ateliers se modulent selon le profil des participants et le temps imparti. Ils se réalisent aussi bien à partir de textes contemporains que d'œuvres du répertoire avec la possibilité d'infléchir le travail sur une prise en charge spécifique de la lecture, de l'improvisation, de l'écriture...

Au cours du premier stage AFDAS que j'ai dirigé ( La voix captive 1993), j'ai introduit le pupitre de musique pour véhiculer le travail particulier sur la langue, entrepris deux ans plus tôt avec la mise en scène d'Andromaque de Racine.

Je souhaitais imposer une contrainte physique aux comédiens et travailler sans que le texte ait été appris par cœur au préalable. Au fur à mesure que le travail sur la langue se digérait, que l'interprétation affleurait, que les regards s'échappaient vers le public, vers le partenaire, une telle puissance d'émotion se dégageait qu'il m'a paru évident qu'il fallait approfondir cette expression dans les formations, mais aussi au niveau d'un spectacle.

C'est ainsi qu'a été créé quelques mois plus tard, le premier des Récitals de textes consacrés au cycle Du côté du Tage.

   

 
           
           
 

Le travail sur la langue

La matière verbale : maîtriser le verbe, son souffle, se laisser jouer par l'énergie de sa respiration, de sa pulsion, respirer le texte comme une partition, lâcher prise, devenir instrument afin de résonner avec sa vibration propre… Un travail physique qui engage le corps entier.
Comment le sens et le son se combinent pour créer l'énergie d'un texte, comment sa structure détermine une respiration, un phrasé, une pulsation qui mènent à l'interprétation. C'est aussi un travail musical.
On détermine la respiration profonde du texte à partir de sa structure syntaxique (éléments liés, éléments fragmentés, …) et des mouvements de la pensée (construction du discours) Ainsi, on établit les césures, légères barres au crayon de papier… légers suspens qui découpent le texte comme une partition. Cette respiration profonde correspond évidemment à celles des personnages dans les différents états, situations qu'ils traversent. Les césures sont des fractures. Elles mènent au passage de l'émotion : ressentir, maîtriser, transmettre…

On perçoit à travers la tragédie racinienne, le vers claudélien, la prose proustienne, les écritures contemporaines, combien chaque auteur a un tempo respiratoire, un tissu sonore qui lui est propre, -de même que chaque comédien…- et combien il est fondamental de ne pas tout mettre sur le même plan.

   

 
           
           
 

Au fil des années, j'ai réuni des matériaux qui projettent ce travail dans une réflexion sur l'art de l'acteur à laquelle les participants aux stages ont toujours été sensibles car ce travail s'inscrit dans une éthique. Les plus grands se sont interrogés sur la matière verbale, Copeau nous parle de "musique du sens", Jouvet du "tumulte ordonné", Stanislavski de "la pulsion qui anime la mesure du langage" , Laurent Terzieff de "l'alchimie entre la parole de l'auteur et notre corps d'acteur, entre son souffle et le nôtre, Yoshi Oïda du "tempo de l'émotion" , Peter Brook de "la dimension extrêmement puissante qui vient du son, de la musique du verbe ". Dimension trop souvent méconnue dans la formation de l'acteur.

La nécessité d'un travail intérieur, d'une concentration intense et fluide, d'une écoute de soi et des autres, d'un état de disponibilité, de réceptivité sans tension m'ont amenée à introduire, depuis plusieurs années déjà, un entraînement physique. Les exercices -un grand nombre est inspiré de l'expérience de Yoshi Oïda- partent tous de la position debout, ils travaillent sur différentes postures, l'ancrage dans la terre, l'étirement de la colonne, la perception de la plus infime variation du corps, le" hara", la circulation et la concentration de l'énergie, la respiration, la projection vocale, la profération… Ils se sont révélés si fondateurs que je ne m'en sépare plus que ce soit pour les formations ou pour les répétitions des spectacles.

La dynamique introduite par tous ces éléments s'est également révélée déterminante dans les formations en direction de comédiens étrangers tant au niveau de la construction du discours : maîtrise du sens, qu'au niveau du travail vocal et de la précision syllabique: maitrise de la substance sonore du langage : les mots, leur saveur, leur tension, leurs résonances…

En 2018, ce travail s´est adressé à des étudiants du Département de Français de l´Université de Californie, Berkeley, Etats-Unis.

   

 
           
     
 

A propos de l'atelier pour les étudiants du Département de Français de l'Université de Californie, Berkeley, octobre 2018. Une analyse littéraire particulière. Approcher ce qui fait le « style » d'un auteur, à partir de la respiration profonde d'un texte et de la matière verbale.

«La littérature met en scène le langage au lieu de l'utiliser simplement» (1 )


première étape: : après la présentation du travail, séances « à la table », lecture d'extraits des textes choisis en analysant leur dimension conceptuelle : - la construction du discours, des mouvements de la pensée (partie suspensive : protase, partie conclusive : apodose et le suspens -temps- entre ces deux versants du discours : acmé) - le découpage syntaxique à partir des quatre opérations majeures de la syntaxe... Ce découpage syntaxique permet de déterminer les suspens, pauses respiratoires, légères barres au crayon de papier, césures-fractures qui vont découper le texte comme une partition... Introduction d'exercices de respiration et de syllabisation, exercices pouvant servir à toute expression en public, dans toutes langues... ou presque...
deuxième étape: phonétique. Lecture au pupitre de musique dans la respiration profonde du texte... jeu avec césures, mots, syllabes, partage de certains passages en canon, interventions à une, deux, plusieurs voix en ch'ur sur de courts fragments, répétitions-échos.
Quelques commentaires des étudiants « C'est un vrai plaisir de travailler avec vous, et j'ai beaucoup apprécié votre enthousiasme, et les activités que nous avons faites sur la respiration et les acmés était très utiles et révélatrices. » « Les exercices de respiration ont fait des merveilles pour mon esprit anxieux, tandis que l'analyse littéraire du suspens / acmé / conclusion, dans chaque œuvre que nous avons examinée, a élargi mon sens poétique. J'ai acquis avec votre enseignement une nouvelle appréciation de l'art vocal concernant la poésie et une confiance renouvelée - en sommeil depuis un certain temps - de se présenter devant un groupe dans une langue étrangère ».
(1)Roland Barthes, in/Leçon au Collège de France
A propos du stage AFDAS Racine-Proust 2002 ... C'était la première fois que je travaillais sur cet auteur (Proust), j'étais certaine de l'intérêt d'aborder cette matière verbale unique mais il faut dire que concrètement dans le travail le "saut" était énorme entre les fractures de l'alexandrin racinien et les dédales, tours et détours de la galerie de personnages, des descriptions, rêveries et réflexions de la phrase proustienne... Après un peu plus de deux semaines consacrées à Racine... nous avons abordé Proust en lecture césurée autour de la table... le premier jour fut laborieux... Difficulté par rapport au sens, à la construction syntaxique. Mais où est donc la proposition principale ? Chacun était à sa recherche parmi les méandres des relatives, incises, incidentes... Le lendemain, travail au pupitre sur un court extrait, vif, concret, plein d'humour, un portrait du duc de Guermantes dans son hôtel du Faubourg Saint-Germain. Partage du texte à deux puis à plusieurs, l'aisance, le plaisir commencent à naître puis les regards, les silences, le tempo de la phrase que nous travaillons ensuite dans différentes formes de découpage du texte... Chacun intervenant à tour de rôle au feeling, partage au rasoir des énumérations, répétitions-échos, interventions de plusieurs voix en ch'ur... Jeu avec les césures, leur respiration, matière sonore des syllabes, très jazzy... le résultat dépassait mes espérances...

(extrait du rapport de stage)

 
     
     
 

Formations réalisées au cours de divers ateliers-théâtre

Tchekov et le tumulte affectif
Objectif : communiquer au spectateur le tumulte intérieur qui agite, broie, dévore les personnages alors que leur vie semble s'écouler dans un quotidien sans histoire.
Travail sur les différentes dynamiques entre agitation quotidienne et moments d'exception, le va-et-vient des entrées et des sorties, les différentes trajectoires des personnages avec introduction d' accidents dans leur parcours à partir d'objets du quotidien, par exemple : un personnage à un moment ou à un autre cherchera à s'asseoir, à se servir du thé, à aller chercher un carnet…, il en sera toujours empêché par un accident : une arrivée, un départ, une question qu'on lui pose, une hésitation intérieure, un suspens, une distraction…, travail sur la répétition et le décalage entre le texte et l'action, qu'introduisent ces accidents révélateurs des fractures intérieures…

Le personnage et la narration dans l'adaptation de textes littéraires
Travail d'écriture et d'interprétation. Rapport à l'improvisation. A partir d'une nouvelle, construire une structure dramatique, des personnages en déterminant leur parcours, leurs rencontres, leurs échanges. Tenir compte de la spécificité littéraire, les impératifs théâtraux modulant la dimension littéraire sans pour autant chercher à l'éliminer. Eviter que le personnage ne se dilue dans l'apparente liberté qu'offre, au départ, l'absence de données dramatiques. Travail sur les multiples facettes de la narration, dimension incontournable du personnage. La narration interroge le temps. Récit-discours indirect, récit-voix intérieure, récit-action, récit-vision, récit-transport (où le personnage revit le moment du passé dans lequel son récit l'a "transporté", procédé cher à Racine), récit-énigme (chœur antique)…
La relation narration/dialogue, personnage/narration c'est le fameux rapport intérieur/ extérieur à laquelle toute interprétation se trouve confrontée (que ce soit celle du metteur en scène, de l'acteur, du scénographe…) et qui est aussi le chemin de la conscience de soi comme on peut s'en rendre compte au cours de l'entraînement physique… Cette relation est sensible dans tous les grands textes, les auteurs contemporains ne s'y sont pas trompés. On la retrouve dans le temps éclaté qui caractérise le plus souvent leur écriture.

La mise en scène
Différents modules étroitement liés : direction d'acteurs, coaching ; texte et dramaturgie ; espace scénique et dramaturgie, relation intérieur/extérieur ; conception, travail sur la construction d'un univers scénique (plusieurs exemples de mises en scène) puis réalisation de fragments d'une mise en scène par les participants (plusieurs versions d'un même texte).